L'invention de nouvelles formes d'art comme validation d'une étude académique
Placer l'élève dans la situation d'inventer alors qu'il apprend permet de le rendre sensible à la partie spécifique de l'oeuvre étudiée, et d'éviter qu'il n'en retienne que les aspects qui ne lui sont pas spécifiques, et qui seraient justement ce que l'oeuvre n'est pas : par exemple l'ensemble des conventions de l'époque. C'est la raison pour laquelle dans les cursus de piano et de violon, l'histoire de l'art est obligatoire afin de pouvoir plus aisément contextualiser l'oeuvre étudiée en la reliant aux enjeux d'une époque. Par ailleurs, des classes d'interprétation permettent très rapidement de confronter des approches différentes d'une même oeuvre afin de prendre la mesure de son "épaisseur", et d'en différencier les apports personnels au compositeur en les conjugant avec ceux des élèves.
Un remède à la pédagogie ?
Plutôt que de penser l'enseignement artistique en dehors de l'acte créateur, l'atelier des feuillantines associe les élèves à la recherche et aux créations des artistes enseignants ou invités. De nouvelles formes d'art émergent de ce travail d'atelier dont la plupart n'auraient pu exister sans les élèves. Elles définissent un espace autour de l'oeuvre étudiée qui en devient l'un des points, et dans lequel le public est invité à se déplacer. Ainsi donc, pendant qu'un élève apprend une technique particulière, qu'elle soit instrumentale (piano, violon, dessin, peinture...), théorique (harmonie, perspective, électroacoustique...), il utilise ses connaissances dans la création d'une forme d'art originale, généralement avec d'autres élèves de disciplines différentes.
Dès leur deuxième année, les élèves inventent des formes de représentation de l'oeuvre qu'ils étudient, différentes de la représentation normale qui consiste généralement à la jouer ou à l'écouter, à la parcourir suivant une ligne normée.
L'oeuvre comme miroir formant de la pensée de l'élève
Certains imaginent de voir le principe d'une oeuvre musicale se condenser, se dessiner pendant son exécution, d'autres de la visiter en trois dimensions. Elle devient un lieu d'expérimentation de concepts ou se notent des représentations, ou s'écrivent parfois des péripéties personnelles.
Exemples de formes nouvelles de restitution ou de créations faisant intervenir des élèves d'arts plastiques et de musique :
Une élève de piano achève sa deuxième année : le thème général de la classe de piano est le geste chez Chopin. Elle utilise alors une installation permettant, lors de l'audition de fin d'année, de voir la structure du prélude se dessiner progressivement sur un écran, rendant ainsi visible l'écriture de la pièce en même temps que son interprétation.
Un groupe d'élèves a été ému par la lecture des articles d'Annick Cogean parus dans le journal "Le Monde" en 1999 sur le peuple Inuït. Ils ont alors croisé les connaissances en cours d'acquisition sur les sons multiphoniques avec les chants de gorge Inuits à travers un hommage à la création du Nunavut. Ce projet a obtenu les félicitations de Monsieur le Premier Ministre Canadien Jean Chrétien.
Je suis belle, Ô mortels, comme un rêve de pierre : un groupe d'élèves de 3ème font naviguer leur propre voix entre des statues par le biais du geste et de la danse. Développement d'une intelligence du geste à la fois spacialisateur et polyphonique.
La préservation d'une information tout au long de transformations techniques et esthétiques : le projet Forbidden Planet réalisé avec Véronique Jan, professeur de musique, et Maria Jerkovik, professeur d'arts plastiques, dans leurs classes du collège Camille Claudel.
La chambre de beauté : installation à l'Ircam. Les visages en rotation des élèves sont projetés à l'intérieur d'un cube traversé de fil tendus sur lesquels ont été disposés des calques. Ces calques reproduisent les travaux d'arts plastiques de l'année. Lorsque la lumière des visages les traverse, elle est capté par un dispositif qui construit des rythmes dépendant de la rotation des couleurs des visages.
Etude de l'équilibre du mouvement en injectant des données gestuelles recuillies par des capteurs dans des processus musicaux. Ces données proviennent d'experts en "intelligence du geste" que sont des pratiquants de Tai Chi Chuan et de divers styles d'arts martiaux chinois.