Création et pédagogie sur les carnets de voyage sonores d’Olivier Messiaen

Madame Jan-Laubreaux, professeur d’éducation musicale, Madame Pineda, professeur de piano au conservatoire, Paris Sciences et Lettre Research University (Fabrice Guédy, Atelier des Feuillantines, en collaboration avec Martin Adámek (clarinette, Ensemble InterContemporain), Yua Souverbie, flûte, (CMA5 et CMA15), Michaela Hrabankova (Hautbois)). Nous remercions Monsieur Alain Louvier pour les précieux éléments qu’il nous a transmis sur le travail d’Olivier Messiaen.

Le projet

Ce projet tire parti de la mise en ligne par la Bibliothèque Nationale de France des carnets dans lesquels Olivier Messiaen notait les chants d’oiseaux qu’il entendait lors de ses promenades. Ci-dessous un exemple de support de cours permettant d’entendre le contenu d’un carnet, développé pour les élèves par l’Atelier des Feuillantines. Il s’agit d’une grive musicienne notée le 4 mars 1956 à la Varenne-St-Hilaire entre 17h et 18h.

Largement documenté dans les 2 volumes du tome V de son « Traité de rythme, de couleur et d’ornithologie », la singularité de l’objet lui-même a permis aux élèves d’accéder à une sorte de réalité immédiate de prise de notes. La subjectivité de Messiaen dans sa notation est similaire à celle d’un photographe ou d’un peintre, qui, par ses choix de cadrage et d’emplacement modifie son sujet, sans en altérer la nature.

Le projet a consisté, à enregistrer les mêmes oiseaux notés par Messiaen afin de mettre en évidence et de mesurer cette subjectivité, puis d’en exploiter les particularités dans des créations collectives employant des outils de l’Ircam : Musique Lab 2 et OMax.

Les cours

Pour cela, des cours ont permis aux étudiants de s’approprier des éléments du langage de Messiaen (permutations symétriques, canons mosaïque, modes à transposition limitée…) : ci-dessous : une étudiante de PSL2 explique son travail grâce à Musique Lab 2 (videoprojeté) :

avant de jouer le résultat :

Dans une deuxième étape, nous avons analysé les carnets de Messiaen en y repérant des figures de rhétorique, par exemple des apocopes afin de les mettre en relation avec des techniques de Messiaen, comme le développement par élimination.

Pour cela nous avons utilisé la modélisation du groupe µ dans sa « Rhétorique générale », contemporaine de l’élaboration du catalogue d’oiseaux de Messiaen.

Dans une troisième étape, une composition/improvisation utilisant les éléments du cours avec l’environnement OMax de l’équipe Représentation Musicale de l’Ircam a permis de créer une sorte de volière dans l’amphithéâtre Friedel du campus ParisTech. Dans la captation ci-dessous, chaque instrumentiste joue des strophes extraites d’un oiseau noté par Messiaen : un rouge-gorge pour la clarinette, un merle noir pour la flûte, une grive musicienne pour le hautbois. Un micro capte le son qui est alors injecté dans un improvisateur virtuel du logiciel OMax. Celui-ci est paramétré en temps réel par un étudiant. L’analyse du flux musical faite par OMax et les règles qu’il utilise pour produire son improvisation participent du langage de Messiaen (permutations symétriques par exemple). Pour distinguer le son produit par les instrumentistes de l’improvisations de l’ordinateur, nous avons utilisé des librairies de sons d’orchestre de Native Instruments.

Cette expérience musicale a été suivie d’une création conçue comme une application du cours, utilisant un ensemble de principes de composition de Messiaen étudiés par les élèves : personnages rythmiques, développement par élimination, permutations symétriques, canons rythmiques…